Conversation(s)

“Un certain regard” sur le Limoumou #1 : Nagham et Rami

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Rami et Nagham de Cham Fel Limoges

L’Homme en Bleu est un voyageur, ça va sans dire. Il aime se balader dans le Limoumou, en arpentant les routes à vélo, et il ne cesse de redécouvrir ces paysages familiers, comme si ses yeux n’étaient jamais les mêmes. Et d’ailleurs, il y a de quoi être émerveillé !

Dans notre cher Limousin, il y a aussi des gens pour qui ces paysages ne sont pas du tout familiers : eux, ils ont dû les découvrir à leur arrivée. Ces personnes sont nombreuses et parlent différentes langues. À force de pédaler, il arrive à l’Homme en Bleu de les croiser : c’est pourquoi il a eu envie d’en savoir un peu plus. Il a donc arrêté son vélo et a discuté avec eux, histoire d’admirer le paysage à travers d’autres yeux. Ils appartiennent à tous ceux qui viennent de l’étranger et que notre capitale #limogesvilledereve a accueillis.

Et c’est la richesse de leur présence et de leurs cultures respectives que LHEB est allé chercher.

Première halte avec Rami et Nagham, originaires de Syrie, tandem dans la vie et au restaurant où LHEB s’est déjà rendu maintes fois : Cham-fel.


LHEB : Bonjour Rami et Nagham, depuis quand vous êtes à Limoges ?

RAMI : Nous sommes arrivés en 2015. On a quitté la Syrie à cause de la guerre et de la situation politique. Nous avons passé un an au Liban avant d’arriver en France, où nous avions le statut de réfugiés. Cela faisait une vingtaine d’année que mon frère habitait à Ussel, donc au début nous nous sommes installés chez lui en Corrèze, puis à Eymoutiers, où nous avons passé six mois dans un centre d’accueil pour des demandeurs d’asile, et enfin nous sommes arrivés à Limoges.

Le restaurant où Nagham et Rami ont tout fait eux mêmes, y compris les travaux © Cham Fel – Facebook

LHEB : À quoi ressemblaient vos vies, avant d’arriver ici ?

NAGHAM : Nous habitions Damas, la capitale. Moi j’ai un diplôme dans l’hôtellerie et j’ai toujours travaillé dans ce milieu, notamment dans des 5 étoiles. Pendant trois ans j’ai même travaillé avec mon mari, qui s’occupait de la comptabilité et du service client d’un grand hôtel.

RAMI : Oui, mon milieu, c’est plutôt celui de la finance. J’ai travaillé surtout dans des banques. Par contre j’ai réussi à avoir mon Master 2 en Science économiques et sociales à Limoges en 2017 !

LHEB : Félicitations ! J’imagine que cela a dû être tout sauf simple. Quelles ont été vos principales difficultés, au début ?

RAMI : La langue, d’abord. Nous parlions anglais, mais pas français. On l’a appris grâce à des cours auprès de l’association Culture Alpha : ça a été une expérience très positive. Ensuite le problème a été, bien évidemment, celui du travail. Même une fois autorisés à travailler, nous n’arrivions pas à obtenir des entretiens.
Finalement nous avons décidé d’ouvrir le restaurant en 2019. On a traversé des moments compliqués : six mois après l’ouverture, nous avons été obligé de fermer à cause du COVID, puis, l’année dernière la guerre en Ukraine a provoqué une incroyable hausse des prix. Malgré tout, nous sommes très fiers de ce que nous avons accompli !

Notre fille est née à Limoges, forcément on s’est attaché à la ville !

LHEB : Qu’est-ce qui vous a le plus marqué, en arrivant à Limoges ?

NAGHAM : Par rapport à une ville comme Damas, les horaires des commerces sont différents. Ici, vers 19h-19h30, la ville devient calme et silencieuse : nous n’avions vraiment pas l’habitude. Mais nous sommes satisfaits de notre qualité de vie. En plus, notre fille est née à Limoges, forcément on s’y est attachés !

RAMI : Moi aussi j’aime bien la ville, notamment son patrimoine historique.

NAGHAM : Une chose qui m’a marqué a été le temps d’attente pour les rendez-vous médicaux. En France le système de sécurité sociale est sans aucun doute meilleur qu’en Syrie, où tout est beaucoup plus privatisé, mais cela a été une nouveauté pour nous.

Vieille ville de Damas © Amani Sharaa

LHEB : Y a t-il des aspects du comportement des Français, ou des Limougeauds, qui vous ont surpris ? En positif ou en négatif, bien sûr.

RAMI : En réalité plutôt en positif. Maintenant on se sent intégrés, mais en arrivant nous avons été étonnés par la gentillesse que nous avons reçue. A Eymoutiers, par exemple, il y a eu une mobilisation générale et des manifestations pour les sans papiers, on ne s’attendait pas du tout à ça ! Concernant les Limougeauds, on sait ce que l’on dit, qu’ils sont « fermés », et pourtant ils se sont montrés très ouverts avec nous. On peut le dire car nos meilleurs amis sont Limougeauds et 90% de nos clients le sont aussi. Ce sont nos amis français d’ailleurs qui nous ont aidé au restaurant, en testant nos plats.

NAGHAM : A ce propos, je me souviens que, lorsque j’ai eu mon permis (français), la dame de l’école de conduite a été gentille au point de me rédiger une lettre de recommandation. J’ai été agréablement surprise !

RAMI : Ce qui me frappe, parfois, c’est que la plupart des clients font confiance uniquement à l’ardoise et pas à mes suggestions. Mais il y en a d’autres qui sont très ouverts, même concernant notre cuisine.

LHEB : Dans un sens, vous êtes devenus des vrais Limougeauds ! Qu’est-ce qui vous manque le plus de chez vous ?

NAGHAM: Forcément, il nous manque des choses. Nous aimons notre vie ici, mais elle est différente de celle que nous avons dû quitter. Finalement, ce qui nous manque le plus ce sont les gens : la famille, les amis. Et le fait de savoir que pour nous ce n’est pas possible de retourner en Syrie, pour l’instant. Depuis qu’on est en France, on n’a jamais pu y aller. Ça, c’est dur.

On sait que l’on dit des Limougeauds qu’ils sont « fermés », et pourtant ils se sont montrés très ouverts avec nous !

LHEB : Revenons à notre ville. Imaginons pendant un instant que l’un de vous deux est élu maire de Limoges. Quelle serait votre première décision ?

NAGHAM : Mmm, si j’étais le maire j’essaierais de parler avec le Président de la République pour trouver un moyen de me rendre en Syrie ! (Rires)

RAMI : Moi j’ajouterais des parkings et j’en augmenterais la gratuité. Ah, et j’enlèverais les travaux ici, rue de la Boucherie. Ça fait tellement longtemps, et ils sont juste à côté du restaurant.

NAGHAM : Je ferais en sorte d’avoir moins de crottes de chien sur les trottoirs de la ville, aussi !

LHEB : Auriez-vous un adjectif pour définir Limoges ?

NAGHAM : Je ne sais pas. Peut-être ‘rawā’ : calme, tranquille. Mais ce n’est pas péjoratif. C’est vrai que le style de vie chez nous est différent, c’est plus animé, on vit plus à l’extérieur, etc. Calme c’est bien aussi.

RAMI : Oui, calme ça ne veut pas dire que ça ne bouge pas. Ça avance comme une tortue, on dirait chez nous, pas trop vite, mais ça avance, avec une certaine détermination.

LHEB : Une dernière question pour la route. Avez-vous un endroit favori à Limoges ?

RAMI : Mmm, il y en a plusieurs. J’aime beaucoup les bords de Vienne, par exemple. Donc je dirais le pont Saint-Étienne. Ou la Cathédrale. Comme je l’ai déjà dit, j’aime beaucoup le patrimoine historique de cette ville.

Nagham et Rami

LHEB : Merci beaucoup, Rami et Nagham.

RAMI et NAGHAM : Merci à toi, l’Homme en Bleu.


Et si après ce récit cela vous a donné envie de tester la cuisine Syrienne de Cham-Fel, on t’a fait une review complète du resto’ juste par ICI

Fabio
Italien de passeport, Limougeaud de cœur : pas de quoi en faire tout un cinéma. Il aime les jeux de mots pourris, l'IPA et faire semblant de s'intéresser à plein de choses.

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