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« Les Revenants » #1 : G., ex-Briviste de retour à Limoges !

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Tous les chemins mènent à Rome, dit le dicton. L’Homme en Bleu le connaît, bien évidemment, mais il sait aussi que tous les chemins du Limousin mènent à Limoges – sa capitale. C’est pourquoi tant de gens, partis depuis des lustres, reviennent pourtant dans leur ville natale : on se dit parfois que la géographie est plus forte que tout. Cependant, l’Homme en Bleu s’est interrogé : qu’est-ce qu’il les avait poussés à s’en aller ? Quelle est la raison de leur retour ? Pour répondre à ces questions, il a décidé qu’il fallait se déplacer, toujours à vélo, à la recherche de ces REVENANTS. Pour ce premier épisode, il a donc rencontré G. (nous respectons son souhait de rester anonyme), qui a longtemps vécu à Brive-la-Gaillarde, jusqu’à ce qu’il réalise que son existence chez les Coujoux nos amis brivistes n’était qu’un mensonge.


LHEB : Bonjour G., quand es-tu devenu un Revenant ?

G. : Ma deuxième vie à Limoges a commencé en 2019, mais ça faisait déjà un moment que j’envisageais d’y retourner. J’avoue que j’avais du mal à l’admettre à moi-même. Ce n’était pas une période simple pour moi. Beaucoup de hauts et de bas. A posteriori, je m’aperçois que mon choix avait été fait depuis plusieurs mois, avant que j’arrive tout simplement à le verbaliser.

LHEB : Tu as habité pendant presque quinze ans dans la ville de Brive-la-Gaillarde, en Corrèze. Comment pourrais-tu l’expliquer, maintenant ?

G. : À vrai dire, je suis incapable de l’expliquer. À cette époque-là, lorsque je suis parti de Limoges, je me souviens que j’avais envie de m’installer dans le Sud. Il y avait d’autres personnes comme moi : on voulait tous être un peu plus près de Toulouse, car y aller en train ça devenait compliqué. En plus, on disait que Brive, ça faisait bon vivre : le soleil, les matchs de rugby, pouvoir dire « chocolatine » sans que le boulanger ou la boulangère te regarde de travers. Là, je vois que ce n’était pas moi, c’est comme si c’était quelqu’un d’autre. Je n’ose même pas tout raconter.

Les portes du Sud de Brive-la-Gaillarde

LHEB : As-tu honte de cette phase de ta vie ?

G. : J’ai entamé une psychothérapie pour essayer de comprendre pourquoi j’ai pu franchir ce pas par le passé. Mais je m’améliore : je n’aurais jamais pu en parler, seulement il y a deux ou trois ans.

LHEB : En réalité, c’est bien que tu en parles ; je pense notamment aux jeunes générations limougeaudes qui risquent de tomber dans le même piège que toi, sans avoir la mesure des conséquences.

G. : Oui, c’est en partie pour cette raison que j’essaie de m’ouvrir, ces derniers temps. Par contre, je sens que je ne suis pas encore prêt à assumer mon passé sans garder l’anonymat. C’est trop tôt.

Pour fêter, j’ai écouté Beaub’FM dans ma voiture, puisque à Brive ce n’est pas possible

LHEB : Tu fais preuve de grand courage. Je vais te poser une question à laquelle tu as le droit de ne pas répondre : aurais-tu quelques exemples de situations délicates ayant eu lieu à Brive-la-Gaillarde qui, avec le recul, te paraissent inconcevables ?

G. : Il y en a eu plusieurs. Si je pense que j’avais acheté un SUV ! Je trouvais normal d’aller voir jouer le CAB et de descendre de ma voiture en me la pétant. Je me baladais dans le centre-ville juste pour montrer mes fringues et ma nouvelle montre, c’était fou. Ensuite… C’est dur de parler de ça… J’ai un souvenir d’un jour, où il fallait que je rentre à Limoges pour voir ma famille (je ne le faisais pas souvent, c’était presque une sorte de tabou) et mes collègues m’ont regardé comme… Je n’oublierai jamais ce regard… Comme s’il s’agissait de me rendre dans un endroit, je ne sais pas, arriéré et habité par des barbares. J’ai eu droit à leur pitié et à leur dégoût. « Oh, Limoges, joli port de pêche ! » disaient-ils, et moi… mon Dieu, je rigolais avec eux ! Je crains que derrière mon dos, c’était bien pire. Les moqueries, je veux dire.

Comment reconnaître un Briviste ? Un SUV à pneus lisses

LHEB : Je suis désolé que tu aies dû vivre ça. Quand as-tu compris que ce n’était pas la vie que tu désirais et que tu avais besoin de ta résurrection ?

G. : Je crois… (G. n’arrive pas à retenir ses larmes) quand j’ai compris que, finalement, la meilleure chose de Brive était la gare. Le TER a représenté mon salut. Vers La Porcherie et Saint-Germain-les-Belles, j’avais comme l’impression de respirer à nouveau, mes poumons se dilataient, c’est difficile à l’exprimer différemment. Ensuite, rien que le fait de voir la Gare des Bénédictins me rendait tout de suite heureux. La dernière fois, lorsque j’ai eu la force de quitter définitivement Brive, je me suis arrêté à l’aire de Porte de Corrèze et j’ai crié de joie. Le cauchemar était fini. Pour fêter, j’ai écouté Beaub’FM dans ma voiture, puisque à Brive – tu te rends compte ? – ce n’est pas possible.

LHEB : Est-ce que tu regrettes, parfois, d’être parti de Brive-la-Gaillarde ?

G. : Pas du tout. Cela a été la meilleure décision que j’aie jamais prise. J’ai recommencé à parler normalement, genre, je ne dis plus le « paing » au lieu de « pain », je vais à nouveau aux concerts, je peux même sortir avec mon tote bag de la Fourmi sans qu’on me pose des questions stupides. Mes amis limougeauds ont joué un rôle important dans tout ça : ils n’ont jamais arrêté de me convaincre que j’avais changé, ils ont tout essayé, mais moi… j’avais peur de la vérité. Certes, je n’ai pas encore guéri à cent pour cent, je suis conscient que c’est long, mais je me dis que je suis sur la bonne voie. Brive me semble tellement loin, maintenant. Qu’ils se comparent aux grandes villes européennes sans moi ! Ils ne font pas semblant, tu sais ? Ils y croient vraiment.

LHEB : Aurais-tu un petit mot à dire à celles et ceux qui malheureusement vivent cette condition à laquelle tu as pu t’échapper ?

G. : J’aimerais leur dire de ne jamais jeter l’éponge. Même quand on a la sensation de se mélanger à eux, de faire exactement comme eux et on imagine déjà que Brive sera notre maison, ben, ce n’est pas le cas. J’y ai été, je sais comment ça fonctionne. J’espère seulement qu’un jour, je pourrai l’annoncer avec le visage découvert et peut-être devant un micro. Je trouve que c’est important que les gens sachent.

LHEB : Je suis bien d’accord. Merci beaucoup pour ton témoignage touchant, G.

G. : Ravi que ça puisse être utile à d’autres personnes. Merci à toi, l’Homme en Bleu.


Pssst, cet article est un poisson d’avril !

Fabio
Italien de passeport, Limougeaud de cœur : pas de quoi en faire tout un cinéma. Il aime les jeux de mots pourris, l'IPA et faire semblant de s'intéresser à plein de choses.

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