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« Un certain regard » sur le Limoumou #10 : Yuriko

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Si l’Homme en Bleu a envie de tailler la bavette, rien ne peut l’arrêter : il pose soigneusement son vélo quelque part et prend le temps d’écouter les personnes qui lui parlent. Leur provenance l’intéresse beaucoup : plus c’est loin, mieux c’est ! Pendant sa dernière halte, il a eu la chance de pouvoir discuter avec Yuriko, originaire du Japon, couturière, qui lui a raconté comment elle a atterri dans notre #villederêve.


LHEB : Bonjour Yuriko, ça fait longtemps que tu habites à Limoges ?

YURIKO : Je suis arrivée à Limoges en 2018, mais en réalité je vis en France depuis 2009. Avant de suivre mon mari dans le Limousin, je suis restée plus de huit ans en région parisienne. Je suis couturière.

LHEB : Tu pourrais me dire un peu plus à propos de ton parcours ?

YURIKO : Je suis née à Osaka, au Japon, où j’ai fait la plupart de mes études. Je les ai terminées au Canada. D’abord dans l’Ontario, à partir de 1998, où j’ai fréquenté l’Université du textile (l’équivalent d’un bac+3), en me spécialisant dans la teinture chimique naturelle ; ensuite, j’ai poursuivi dans la Nouvelle-Écosse, où j’ai vraiment appris la couture grâce à l’atelier consacré à la retouche (bac+4, plus ou moins). En plus, le Canada est très important puisque c’est là-bas que j’ai rencontré mon mari (rires).

Le Château d’Osaka
Dōtonbori à Osaka

LHEB : Quelles ont été les choses qui t’ont marquée le plus, les premiers temps, en France et à Limoges ?

YURIKO : Quand je me suis installée en France, je connaissais un peu le pays : mon mari est français et j’avais déjà des amis français. Je n’étais pas habituée à l’administration française, par contre ! Le fait de devoir gérer tellement de situations, cas par cas, est à l’origine de sa lenteur, je crois – moi, j’avais juste besoin de ma carte de séjour. Le rythme de vie est différent, ici : au Japon, les gens bossent beaucoup, ils vont jusqu’au bout. Il y a une vraie obsession pour le travail. En France, ce n’est pas pareil : je pense aux vacances scolaires, alors que chez nous, le système scolaire est organisé par trimestres et la rentrée principale se fait en avril. Sinon, en parlant de choses plus « légères », je dirais les poubelles à l’extérieur (au Japon, il n’y a jamais de poubelles dans les rues) et la durée des journées. J’ai découvert que le soleil se couche assez tard, alors qu’à Osaka, même l’été, il ne dépasse jamais 18 ou 19 heures.

Je trouve Limoges et les gens de Limoges magnifiques, mais il y a comme un côté caché

LHEB : Quelles ont été tes difficultés, en arrivant en France ?

YURIKO : À part l’administration (rires), je dirais la langue. En étant japonaise, c’est dur d’apprendre le Français. En plus, mon expérience au Canada a eu lieu dans la partie anglophone. Par conséquent, quand je suis venue vivre en France, je ne parlais pas un mot de français. J’ai pris des cours pendant neuf mois à l’Alliance Française, à Paris, mais ce n’était pas toujours facile, notamment quand j’allais dans une boulangerie ou chez le boucher, car si j’essayais de parler anglais, les gens refusaient de me répondre. Cela a été une énorme barrière, au début. Pourtant, en général, les français aiment bien parler.

Des vélos ! C’est vraiment le pays parfait pour l’Homme en Bleu

LHEB : Tu trouves que les Français parlent plus que les Japonais ?

YURIKO : Oui, mais c’est culturel. D’ailleurs, il ne s’agit pas uniquement des Français, c’est plus européen. Les Japonais sont très attentifs et très discrets, mais il y a une extrême politesse de fond qui pourrait être interprétée comme de la distance, ou de la froideur. J’ai souvent l’impression, par exemple, que les Français disent tout ce qui leur passe par la tête. Les Japonais ne font pas ça. Dans une conversation, en France, on fait attention à ce qu’on dit, aux mots que l’on va utiliser ; dans notre culture, on fait attention aux gens. Avant de parler, il faut d’abord lire l’ambiance, puis on parle. C’est plutôt une adaptation à la situation. Pour citer un dicton : « On ne dit pas beaucoup, mais on comprend » (rires).

En effet, dans des endroits pareils, il vaut mieux en profiter en silence

LHEB : Y a-t-il des choses du Japon qui te manquent ?

YURIKO : Bien sûr. La nourriture : c’est compliqué de trouver en France des produits japonais – c’est cher, surtout. Les konbini me manquent, l’idée d’acheter de la nourriture à emporter à n’importe quel moment. Petite précision : au Japon c’est mal vu de manger en marchant dans la rue, ou dans les transports en commun. Il faut un endroit propre où s’asseoir, sinon on mange directement à la maison. C’est une question de respect pour les autres (on ne fume pas non plus dans la rue, pour ne pas déranger les personnes derrière nous). Une autre chose qui me manque, c’est les onsen, les bains thermaux issus de sources volcaniques, ainsi que les bains publics en ville. Pour nous, ils sont très importants, à la fois pour la santé et pour le relax. Les trains, aussi ! On peut aller partout – contrairement à ici (rires). Mais ce qui me manque le plus, ce sont les gens : ma famille et mes amis. Il y a toutefois un projet de faire venir ma famille à Limoges.

Miam ! On te comprend, Yuriko !
Un magasin à Osaka. L’Homme en Bleu aimerait bien en savoir plus…

LHEB : À propos de ça : si tu avais été élue maire de Limoges, quelle serait ta première décision ?

YURIKO : Le TGV !! (rires). Car sinon, le réseau de bus ça va, franchement. En tant que maire, je développerais le côté culturel, peut-être avec un musée du textile, ou de la mode, qui sont plus en lien avec mon travail, mais je privilégierais également d’autres formes d’art, comme la musique, par exemple. Limoges, en ce sens, manque un petit peu de dynamisme.

Yuriko serait sans doute le premier maire à créer ses propres vêtements !

LHEB : Justement : aurais-tu un adjectif en japonais pour définir Limoges ?

YURIKO : Mmm, ce serait « shizuka », qui veut dire silencieuse. Je dis ça par rapport à d’autres villes où j’ai habité. Je trouve Limoges et les gens de Limoges magnifiques, mais il y a comme un côté caché. Pour moi, c’est encore une découverte. Voilà pourquoi ‘silencieuse’.

LHEB : As-tu un endroit favori à Limoges ?

YURIKO : J’adore le centre-ville, qui est vraiment charmant à mes yeux. Je dirais alors la rue Adrien Dubouché et ses alentours ou encore le Pavillon du Verdurier, ou la Cour du Temple.

cour-temple-celia-brun-photo
Pas mal la Cour du Temple, hein ?

LHEB : Merci beaucoup, Yuriko.

YURIKO : Merci à toi, l’Homme en Bleu.


Vous pouvez retrouver les créations de Yuriko dans son blog (en français, anglais et japonais) ou sur sa page Instagram.

Fabio
Italien de passeport, Limougeaud de cœur : pas de quoi en faire tout un cinéma. Il aime les jeux de mots pourris, l'IPA et faire semblant de s'intéresser à plein de choses.

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1 Comment

  1. La cuisine japonaise est totalement absente de Limoges. C’est vraiment difficile à vivre quand on est amateur de cette cuisine. On m’a déjà conseillé d’aller à “Japo”, “Yakilido” ou même au “Grill’In”.. J’ai testé. En fait, c’est comme conseiller à un étranger de tester la cuisine française en achetant des produits eco + au rayon surgelé. Ce n’est pas de la cuisine et ça n’a aucun intérêt.
    Le Limougeaud connait très mal la cuisine japonaise (et d’autant + le Japon). Le Japon, ce n’est pas que Naruto ou Luffy qui mange des paquets de nouilles.
    Ça serait bien que ça change :). En attendant, Bordeaux n’est pas loin.

    Sinon, témoignage très sympathique, merci :) !

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