Tu as sûrement déjà vu un dessin de Poisson dans les journaux Le 1, La Montagne ou Reporterre. Il nage aussi dans l’univers d’Artuan de Lierrée, de Ronéo et Zinette ou encore de l’Opéra de Limoges. L’Homme en Bleu a plongé dans l’aquarium pour rencontrer cet illustrateur engagé du Limoumou !
L’Homme en Bleu : Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Poisson : Je fais du dessin, je suis aussi illustrateur et animateur, j’ai une démarche d’artiste auteur ! J’effectue des prestations dessinées sur différents médiums : dessin, vidéo, animation, et maintenant radio.
LHEB : Quel est ton parcours ?
Poisson : J’ai fait un passage par les Beaux-Arts de Poitiers. C’était intéressant d’avoir cette année de déconstruction d’un point de vue artistique avant d’entrer à l’école Estienne qui est une école d’arts appliqués dirigée vers l’emploi et le monde industriel.
Je me suis spécialisé dans l’animation 3D et je me suis rendu compte que le travail en studio est très monotâche. Le fait de n’intervenir qu’à une seule étape de la création du film ne me plaisait pas. J’adore les recherches, le storyboard, le montage et tu ne peux pas faire les trois ! J’ai re-bifurqué vers l’animation 2D et suivi une formation de BD au lycée Renoir de Paris. J’ai aussi fait des études de cinéma.
Je me suis pas mal baladé dans les études et à un moment je me suis dit Faut t’y mettre !
LHEB : Est-ce qu’on vit du dessin ?
Poisson : Pendant deux ans j’ai habité à Amsterdam où j’ai cumulé des petits boulots et je travaillais mes illustrations le soir. Je travaillais avec Le 1 que j’ai démarché à leur création et aussi avec Artuan de Lierrée.
Après j’avais suffisamment d’économies pour prendre une année en freelance. C’était difficile dans une ville aussi chère que Amsterdam alors je suis revenu en Limousin !
J’ai découvert une vraie vie au niveau du dessin, de l’art, de la culture. Les contrats se sont enchaînés et c’est devenu mon activité principale. Ça m’a pris 5 ans avant de toucher un Smic.
LHEB : Dans tes dessins il y a un personnage récurrent. C’est Poisson, toi, ou un mélange des deux ?
Poisson : C’est un trouble graphique de la personnalité, une excroissance !
Dans les 90’s il y a une mouvance de la BD autobiographique qui assume qu’une création n’est pas ex-nihilo, qu’elle vient de toi et raconte beaucoup de l’auteur. Des auteurs comme Sfar, Nicolas de Crécy, David B., Robert Crumb décortiquent la société, assument leur singularité sans tentative d’objectiver quoi que ce soit.
Ce personnage permet de jouer sur mes fantasmes, de mettre la réalité dans la vie. Le dessin est un moyen de sauvegarde émotionnelle, une mise à distance poétique qui me permet de fixer des moments de bonheur et m’aide dans des moments de moins bien.
J’ai toujours un carnet sur moi. Quand je vais quelque part je dessine pour fixer des idées, des observations. J’aime être mobile, le contact avec l’extérieur : il s’y passe des choses que tu ne peux pas imaginer. Il n’y a que quand tu les vois que tu peux les saisir. Écrire, dessiner, c’est une éducation du regard.
LHEB : Tu travailles pour le presse nationale et tu as des partenaires locaux. Comment naissent ces rencontres ?
Poisson : Dans une ville comme Limoges ça se joue en fréquentant le milieu culturel. Les opportunités naissent dans le vie de tous les jours.
Il y a aussi le démarchage : quand j’ai commencé j’ai pris toutes les revues de la Bfm (même celles de chasse et de pêche) et je leur ai envoyé mon portfolio. Il y a des rédactions où j’ai envoyé 7 mails sans réponse. Le 1 m’a donné un rendez-vous, je ne sais pas pourquoi, c’est le hasard et la chance.
J’essaie de ne pas avoir peur de contacter les gens et d’aller frapper à leur porte en me disant Qu’est ce que tu perds ? Au pire tu passeras pour un c** !
LHEB : Est-ce que tu as une préférence ?
Poisson : Au national, c’est agréable de savoir que les gens qui consultent ton travail sont nombreux. Mais à part quelques commentaires et likes t’as pas de retours autres que celui de tes commanditaires. C’est frustrant de pas savoir ce que les lecteurs auraient à te dire !
Au niveau local j’ai l’impression que ça a une réelle influence autour de moi, sur ma ville et le limousin en général.
Je privilégie le contact direct ou de terrain. On ne m’envoie pas un texte que j’illustre chez moi. Je suis avec le journaliste sur place, avec le sujet, l’objet de l’article.
LHEB : Tu travailles avec de nombreux musiciens locaux, c’est un hasard ?
Poisson : Je suis musicien amateur et amateur de musique. C’est Artuan qui m’a permis de mettre du dessin dans le monde de la musique. Ce que j’adore dans ce que ce travail c’est qu’il m’a montré que la parole, l’écriture, la musique et le dessin sont des langages. On fait un travail d’interprète.
LHEB : Est-ce que tu as des envies d’édition ?
Poisson : J’ai envie de travailler sur un roman graphique. Il y a quelque chose en digestion depuis 4 ans et je ressens l’urgence de le dessiner. Avec la pratique de carnet tu annotes, c’est très incohérent. J’ai envie de me replonger dans tous ces carnets et de mettre de l’ordre là dedans, dans un bouquin.
LHEB : On te laisse le mot de la fin !
Poisson : J’aimerai vraiment que les gens comprennent qu’une pratique artistique est à la portée de tous. Je crois que les gens se prennent la tête sur la qualité et l’esthétique ! C’est avant tout un geste. Je déteste entendre dire “je sais pas dessiner” : c’est une envie qui se traduit dans une pratique et parfois, c’est un métier !
Pour toutes les illustrations © Poisson
Comments