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Conversation(s) avec : Christophe Lepetit, sur les conséquences du Coronavirus pour le sport

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L’Homme en Bleu, très sportif grâce à sa pratique légendaire du vélo, s’est interrogé sur les impacts de la crise sanitaire sur le sport. Direction le Centre de Droit et d’Économie du Sport, pour retrouver Christophe Lepetit, qui y est chargé d’études économiques.

Qui de mieux que cet expert pour savoir quoi attendre du sport avec le virus qui circule encore ?


LHEB : Bonjour Christophe. Tu es chargé d’études économiques au CDES, tu peux nous en dire plus sur ce que tu fais au quotidien ?

Christophe Lepetit : Bonjour ! Oui, je suis chargé d’études économiques au Centre de Droit et d’Économie du Sport (CDES) depuis 2010. La majeure partie de mon activité consiste en la gestion de sujets d’études, ce sont principalement des missions de consultant. Il s’agit d’accompagner des clients du sport, souvent des acteurs publics, des collectivités territoriales…

Je contribue également à Jurisport, la revue juridique et économique du sport du CDES. 

LHEB : Le grand sujet dont tout le monde parle aujourd’hui : la crise sanitaire bien sûr. Quelles seront les conséquences économiques pour le monde du sport ? On sait que l’Euro est reporté à 2021, que des compétitions de clubs sont suspendues…

Christophe Lepetit : C’est assez compliqué d’avoir une analyse globale.

Sous l’appellation “sport”, il y a plusieurs réalités différentes. Les conséquences du coronavirus seront différentes selon les segments.

Pour schématiser, il y a trois segments :

  1. Le sport et les grands événements sportifs : l’Euro, les Jeux Olympiques, les compétitions domestiques, le Top 14… C’est-à-dire le “sport spectacle”;
  2. Le sport amateur et de compétition : le sport au sein des fédérations, des clubs de baskets, de judo, d’aviron, d’escrime par exemple… Il y a 16 millions de licences délivrées chaque année, donc beaucoup de personnes sont concernées par ce cas;
  3. La pratique sportive de façon libre : lorsqu’on fait du sport sans être licencié dans un club. Ca peut être la course, la nage, la marche, la randonnée… mais aussi les salles de sport qui sont très populaires aujourd’hui. Ceci concernerait entre 35 et 40 millions de personnes.

Les conséquences pour le “sport spectacle”

Il y a eu des conséquences immédiates. L’arrêt de toutes les compétitions, des événements sportifs (Euro et JO par exemple), tout cela dès mi-mars.

Le problème c’est, qu’en plus de l’annulation, il faut gérer le report des événements. Or cela coûte de l’argent, notamment car il faut dédommager les acteurs du sport. Pour les JO, il s’agit de plusieurs milliards d’euros de report. Pour les ligues et les fédérations, il faut gérer les qualifications. Au vu de la situation, cela peut entraîner des contentieux…

Économiquement, les clubs professionnels ont bénéficié des mesures de l’État, telles que l’exonération de charges sociales. Ceci leur permet de s’en sortir sur le court terme, avec l’appui des actionnaires qui injectent de l’argent.

Les inquiétudes se font surtout sentir pour la saison 2020-2021, parce qu’on ne sait toujours pas si on pourra jouer avec des spectateurs, surtout qu’il y a une recrudescence du virus. Le football reprendra car il repose sur les droits de télévision.

En revanche, pour un sport comme le rugby, ils perdraient de l’argent en reprenant. Car c’est un sport qui compte sur les recettes des spectateurs. Pareil pour le handball. Conclusion : les perspectives à court terme sont inquiétantes pour ces sports.

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Les conséquences pour le sport amateur

Mi-mars, les clubs ont dû fermer. Ils ont rouvert progressivement au mois de juin pour la fin de saison. Comme ils ont perçu leurs adhésions en début de saison ainsi que des subventions, la plupart ont pu finir cette saison tant bien que mal. Donc pas de grosse vague de disparition à déplorer.

Mais le futur s’annonce difficile : le virus circule toujours, et on se demande quel va être le comportement des gens. Est-ce qu’ils vont revenir pratiquer ? Est-ce que les familles vont toujours autant inscrire leurs enfants dans des clubs ? L’adhésion représente la première source de recettes des clubs.

Autre problème : les clubs peuvent connaître une réduction des subventions et une baisse du nombre de sponsors. C’est un gros problème car il s’agit de 16 millions de licenciés qui pourraient ne plus pouvoir pratiquer. Or la pratique de sport amateur a beaucoup de bienfaits sociaux, en plus d’améliorer la santé.

Les conséquences pour la pratique sportive

C’est l’inverse qu’il se produit. Déjà pendant le confinement, les gens se sont mis à plus pratiquer le sport à la maison car ils avaient plus de temps.

Il y a donc quelque chose à creuser ici. La pratique du sport renforce le corps, assainit l’esprit et peut prévenir face aux maladies telles que le coronavirus. On sait que ce virus a plus affecté les gens avec de la comorbidité, notamment ceux avec des problèmes cardio-vasculaires. L’activité sportive pourrait donc prévenir la maladie, ce qui constitue une piste intéressante à explorer.


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LHEB : Alors est-ce qu’on pourrait, dans le pire des cas, voir certains sports disparaître ?

Christophe Lepetit : Je crains qu’il n’y ait des difficultés plutôt pour des offreurs, à savoir les clubs associatifs et les sociétés commerciales. Si les clients finaux ne viennent plus pratiquer, que les sponsors ne financent plus et que les acteurs publics n’aident pas, il va y avoir un gros problème. Il faut donc souhaiter pouvoir reprendre dans les meilleures conditions sanitaires.

Surtout que la pratique d’un sport génère des externalités positives : une meilleure santé, un meilleur moral qui aide au quotidien et un meilleur bien-être général.

LHEB : C’est vrai que c’est quelque chose qu’on oublie souvent…

Christophe Lepetit : Oui, il faut mentionner également les quartiers, où le sport est très important. Les jeunes risquent d’être livrés à eux-mêmes. Il faut montrer qu’on s’occupe d’eux. Foot, sport de combat… Tout ceci permet de les occuper, de leur inculquer des valeurs, et de leur apprendre des choses qui n’entrent pas dans leur sphère familiale.

Par exemple à Paris, on voit que le nombre d’infractions a bondi, car beaucoup de ces jeunes sont délaissées depuis mi-mars.

C’est un problème aussi dans les campagnes, là où les clubs sportifs sont un peu les derniers endroits avec du lien social. En Creuse ou en Corrèze, dans la campagne profonde, ça devient hyper important. Dans ces endroits, les familles qui s’installent regardent souvent les services disponibles alentours, notamment les clubs sportifs.

Bon, sans club de sport, on fait quoi ?

En fait, il faudrait que l’Etat et les collectivités assument que le sport a un rôle important. 

LHEB : Au final, le sport pourrait perdre sa valeur de « rassemblement » des gens.

Christophe Lepetit : La crise sanitaire empêche les rassemblements. Or le sport est ce qui fédère le plus les gens. A la télé, les plus grosses audiences sont réalisées par les matchs. Le sport est le plus fédérateur physiquement aussi. Pour prendre un exemple limougeaud, il suffisait de voir ce qu’il se passait dans les rues lors des victoires du CSP.

La crise sanitaire casse ce côté fédérateur. Il faut espérer qu’elle le casse le moins longtemps possible, car il est important d’avoir des moments d’union comme ceux évoqués précédemment.

LHEB : Est-ce que cela peut aussi avoir un impact au niveau de l’économie de l’État ?

Christophe Lepetit : En 2020, la valeur ajoutée du sport va forcément diminuer. Mais la déflation pour 2020 est générale, donc le sport va contribuer au déclin sans avoir spécialement un impact majeur.

Économiquement, on ne sait pas combien ça représente. Une étude montrait qu’une personne qui pratique du sport régulièrement dépense en moyenne 350€ de moins par mois en santé. Donc il peut y avoir des coûts supplémentaires dans le futur, en particulier sociaux.

LHEB : Parlons un petit peu plus de notre chère région. Est-ce que les équipes locales connaissent les mêmes enjeux que les équipes nationales/internationales ?

Christophe Lepetit : Ceux qui s’en sortiront le mieux seront les grosses entités.

Mais attention, les petites équipes sont quand même nécessaires. Pour une compétition de football, on a besoin du PSG, de l’OM… mais aussi de Dijon et du Mans par exemple.

Le risque est de voir les plus solides souffrir mais mieux s’en sortir car ils peuvent mieux encaisser. Et aussi parce que, dans les choix rationnels budgétaires, les sponsors vont délaisser les petits partenariats au profit des gros.

On imagine bien qu’une entité qui sponsorise le Stade Toulousain, Brive et l’USAL va garder plus logiquement Toulouse avant tout.

Personnellement, je pense qu’il ne faut pas être fataliste mais malin. Les petits clubs devraient chercher des sponsorings de sens, qui ont un impact social. Dans le futur, les sponsors voudront s’adosser à des structures qui ont des influences positives sur le territoire, plutôt qu’un partenariat médiatique. Et les petits clubs peuvent plus remplir ces missions.

LHEB : Que va-t-il se passer au niveau du sport en Limousin selon toi ? 

Christophe Lepetit : Le CSP et le CAB sont très impactés. Le CAB repose beaucoup sur les partenariats et les recettes de matchs (donc des places payées par les spectateurs). Le CSP repose aussi sur les recettes de partenariats. Pour le basket, il y a même des difficultés pour faire revenir joueurs, car les déplacements entre différents pays sont problématiques aujourd’hui.

La situation actuelle peut aussi décourager les bénévoles, qui jouent tout de même un gros rôle. Il y a donc pas mal d’inquiétudes pour le Limousin en ce moment.

LHEB : Abordons des questions un peu plus légères. Tu es plutôt Limousin ou Nouvelle-Aquitaine ?

Christophe Lepetit : Je vais dire Limousin. Mais je suis né à Limoges donc je ne suis pas objectif. Je suis limousin de coeur.

LHEB : As-tu une équipe locale favorite ?

Christophe Lepetit : J’en ai deux : le CSP Limoges, mon club de coeur car j’ai vécu les grands moments dans les années 90. Et au niveau amateur, je dirais l’ASPTT Limoges parce que j’y ai été licencié.

Je vais ajouter aussi le CS Feytiat car j’y ai joué pendant 20 ans. D’ailleurs à Feytiat, je voyais souvent l’Homme en Bleu monter et descendre à vélo !

LHEB : Et donc est-ce que tu as un sport préféré ?

Christophe Lepetit : Oui, le football, j’ai été licencié très longtemps. Sinon aujourd’hui je me suis mis au running !

LHEB : Merci Christophe !


Après autant de sport, il faut s’hydrater. C’est une bonne occasion de découvrir notre conversation avec Jamie Linton, spécialiste de l’eau.

Vous pouvez suivre Christophe Lepetit sur Twitter.

Photo de couverture : France Bleu

Jean-Lou
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