L’Homme en Bleu n’est jamais fatigué. La route qu’il arpente à vélo ne lui suffit pas ; les rencontres intéressantes qui vont avec, non plus. Cette fois, entre une montée et une descente, il s’est arrêté discuter avec Katerina, grecque de naissance et prof d’anglais, qui vit dans notre belle #villederêve.
LHEB : Bonjour Katerina, depuis combien de temps tu es à Limoges ?
KATERINA : Depuis 2015, mais j’habite en France depuis une dizaine d’années, maintenant. Ma première fois remonte à mon Erasmus à Lyon, à la fin des années 2000. J’ai également habité à Poitiers et je connais assez bien – pour des raisons de travail – les Deux-Sèvres, Brive, Angoulême et Bellac. Ça commence à faire beaucoup ! (rires)
LHEB : Tu pourrais me raconter un peu comment tu es arrivée ici ?
KATERINA : Je suis née dans le nord de la Grèce, à Kozani, une petite ville qui ne se trouve pas très loin de Thessalonique. J’ai fait des études en Sociologie qui m’ont permis, entre autres, de rencontrer mon mari. Je l’ai suivi en France, où j’ai obtenu mon master en Sciences Sociales (Sciences Humaines de l’Éducation, pour être précis). Lui, il a continué dans son domaine et en 2015, justement, a été muté à Limoges ; moi, je me suis orientée plutôt vers l’enseignement de l’Anglais – j’ai eu mon CAPES en 2018. Voilà pourquoi j’ai été dans les Deux-Sèvres, par exemple !
LHEB : Y a-t-il des choses qui t’ont marquée, en arrivant à Limoges, ou plus en général en France ?
KATERINA : Mon premier impact étant le programme Erasmus, je ne sais pas si ça compte vraiment (rires). En tout cas, cette expérience m’a fait aimer la France. Sinon, dans ma vie « adulte », disons, j’ai toujours été frappée par la conception du travail en France : tout est tellement pris au sérieux, il y a une sorte de gravité dans la mentalité des gens à laquelle je n’étais pas habituée. Bien évidemment, pour quelqu’un comme moi, qui suis toujours en retard, ce n’était pas facile (rires). J’avais constamment l’impression que les autres me regardaient mal. En revanche, j’ai été surprise de voir que les Français peuvent faire confiance en l’état, contrairement aux Grecs. J’ai été rassurée, quand j’ai vu comment ça se passait ici.
LHEB : Quelles ont été tes principales difficultés, au début ?
KATERINA : Quitte à être banale, je vais te dire la langue. À l’époque, à Lyon, mon français était catastrophique ; en plus de ça, les gens ne faisaient aucun effort pour essayer de me comprendre. Par conséquence, j’ai passé pas mal de temps en me sentant hyper complexée, pas confiante. Je parlais le moins possible. Je crois que la télé m’a beaucoup aidée à vraiment apprendre le français. J’ai dû aussi m’adapter, forcément, à des habitudes différentes, genre les horaires de repas, puisque en Grèce, on mange plus tard et j’étais toujours un peu décalée (rires). Plus que « difficultés », en effet, je dirais alors « différences ». C’est juste culturel.
LHEB : Tu as d’autres exemples de ces « différences » ?
KATERINA : Je l’ai déjà mentionné, mais je trouve que la place accordée au travail est souvent un peu excessive à mon goût, comme si toute la vie se résumait à ça. Tout semble tourner autour du travail et de l’argent. Les rapports interpersonnels aussi, je les trouve plus compliqués en France – c’est sans doute normal, car je ne suis pas française. J’apprécie beaucoup la politesse, sauf que, parfois, ça risque d’empêcher l’authenticité, au point qu’il y a comme une vraie culture du « malentendu ».
LHEB : Y a-t-il des choses de ta Grèce natale qui te manquent ?
KATERINA : Oui, bien sûr. En Grèce, il y a cette sorte de « légèreté » dans la vie de tous les jours, qui nous pousse également à faire des blagues sur tout, y compris la mort : en France, j’ai l’impression que ce ne serait pas possible. Sinon, la culture « de l’extérieur » me manque, le fait de s’approprier l’espace public. J’y pense souvent les dimanches, lorsqu’à Limoges tout est fermé, alors qu’en Grèce, au contraire, c’est la journée où tout le monde se rend dans les bars et dans les restaurants, même avec la famille – qui me manque aussi, ainsi que la nature. Chez moi, la nature sauvage est presque partout, et même les cigognes peuvent se retrouver en ville.
LHEB : Imaginons pendant un instant que tu avais été élue maire de Limoges. Quelle serait ta première décision ?
KATERINA : Je serais un maire de gauche, alors (rires). Je dirais d’abord plus d’arbres pour la Place de la République. Ça, pour le côté « esthétique ». Sinon, j’ouvrirais plus de classes à l’école, au lieu de les fermer. Je ferais en sorte de disposer de plus de moyens afin que les classes aient moins d’élèves (moi, j’ai 33 élèves en terminale !). Pour finir, j’essayerais de financer les nouveaux entrepreneurs, par exemple les activités comme les bars ou les restaurants.
Si je compare Limoges à d’autres villes françaises que j’ai connues, je préfère quand même Limoges
LHEB : Aurais-tu un adjectif en grec pour définir Limoges ?
KATERINA : Je n’ai pas un adjectif, j’utiliserais plutôt une expression, mais je préfère expliquer que ce n’est pas quelque chose de négatif. C’est « étsi ki étsi », qui signifie comme ci comme ça – pas dans le sens de « pas terrible », hein. C’est juste lié à ma façon de voir les choses. En général, je sais que partout il y a des bonnes choses et des mauvaises choses, comme dans une sorte d’équilibre, mais ce n’est pas pour autant que je n’aime pas la ville, au contraire. C’est ici que ma fille est née ! En plus, si je compare Limoges à d’autres villes françaises que j’ai connues, je préfère quand même Limoges (rires).
LHEB : Quel est ton endroit favori à Limoges ?
KATERINA : Je risque de me contredire, par rapport à ta précédente question, mais j’avoue que j’adore prendre un café en terrasse, au soleil, dans la Place de la République. Oui, la place mériterait d’être améliorée, mais j’aime bien être au soleil à l’extérieur.
LHEB : Merci beaucoup, Katerina.
KATERINA : Merci à toi, l’Homme en Bleu.
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