Venus au salon Lire à Limoges présenter leurs ouvrages respectifs, Le roi n’avait pas ri et Debout les damnés de l’Uber, Guillaume Meurice et Charline Vanhoenacker sont connus pour leur émission Par Jupiter sur France Inter, et leurs chroniques politico-humoristes. L’Homme en bleu en a profité pour papoter humour et pouvoir avec eux. Spoiler alert : ils sont aussi cools dans la vie qu’à l’antenne !
LHEB : Guillaume, dans ton livre, Le roi n’avait pas ri, tu racontes l’ascension et la chute de Triboulet, bouffon des rois Louis XII et François 1er, qui joue avec les limites de l’exercice : faire rire en taquinant les puissants… jusqu’à la blague de trop… Que serait le monde sans les Triboulet, les Guillaume et Charline ?
Guillaume : Sans les humoristes, peut être que les gens pèteraient les plombs et feraient la révolution ? On reçoit énormément de messages de soutiens, de personnes qui nous remercient… Comme dit Hakim Amokrane (Zebda), une chanson, ça ne change pas le monde mais ça donne du baume au coeur à ceux qui luttent chaque jour et c’est aussi ce qu’on essaie de faire avec nos blagues.
En étant humoristes intégrés à France Inter et France 2, des médias de service public, est-ce que vous renforcez le pouvoir ou bien vous parvenez à être subversif ?
Charline : Ceux qui ont la parole en général, ce sont les experts, les sachants, nous, on se fait les porte-voix de la population. C’est la France d’en haut qui a la parole alors on essaie de faire remonter la voix de la France d’en bas, avec humour. Par exemple dans l’affaire Fillon, on était les seuls à pouvoir dire tout haut ce que les Français pensaient tout bas. Même chose lorsque je suis intervenue dans l’Emission Politique sur France 2 avec Nicolas Sarkozy, je suis venue avec une casserole, pour imager les casseroles judiciaires qu’il se traînait. C’est une façon de jouer avec les codes, de troller l’institution. Les autres journalistes ne peuvent pas se permettre cette liberté de parole, nous oui.
Guillaume : C’est toute l’ambiguïté de notre fonction. Certains politiques ont peur des chroniques de Charline… Mais en même temps nous sommes autorisés par le pouvoir !
Charline : L’humour fait peur au pouvoir, car il est incontrôlable. C’est vrai que l’on peut s’en servir pour donner une grosse baffe à quelqu’un… mais qui ne fait pas mal ! L’humour permet de faire la révolution sans violence ! Mais on peut aussi considérer qu’on est les idiots utiles du pouvoir… En tout cas l’humour me permet de canaliser mes colères, sinon je crois que j’aurais envie de casser des vitrines !
Justement, est-ce que parfois vous passez de l’autre côté pour militer ?
Guillaume : On serait nul en black blocks ! Mais on s’engage pour des associations…
Charline : On est syndiqués et on manifeste
Guillaume : Mais on nous voit pas aux côtés des stars dans les marches pour le climat, nous, on va dans les manifs moins glamours !
Que pensez-vous de la dérive conspirationniste dans les milieux militants et alternatifs ?
Charline : On se moque du conspirationnisme, même dans la militance, bien-sûr ! Mais on comprend que les gens en colère soient méfiants vis-à-vis du pouvoir. Quand tu n’as plus du tout confiance dans les médias dominants, tu te retrouves à t’informer sur des sources qui ne sont pas fiables… Le problème de beaucoup de médias, c’est que l’on sait pas d’où ils parlent, ce que pensent les journalistes, ce qu’est leur histoire…
Vous, vous assumez votre subjectivité ?
Charline : On est transparents et les auditeurs savent qui nous sommes et d’où l’on parle. Cela donne une grande liberté et nous permet de pousser le bouchon plus loin que lorsque nous avons commencé et que personne ne nous connaissait.
Dans tes chroniques, Guillaume, les propos des personnes rencontrées sur le terrain peuvent être choquants, on y entend des gens qui estiment que les immigrés sont trop nombreux ou qui traitent les chômeurs de feignants… C’est drôle, mais un peu déprimant aussi non ?
Guillaume : Non, car je suis convaincu que les gens ne pensent pas réellement ce qu’ils disent. Le principe de la chronique, c’est de rire de leurs raisonnements bancals… Souvent au fur à mesure que la discussion avance, ils finissent par dire l’inverse de ce que qu’ils pensaient au début. Mais je rencontre aussi des personnes avec un discours intéressant et construit… mais ceux-là ne sont pas drôles !
Pensez-vous que vos chroniques peuvent convaincre des personnes aux opinions différentes ?
Charline : Moi je pense qu’on ne prêche que des convaincus… Mais des convaincus qui ont besoin d’être confortés et réconfortés.
Guillaume : On peut quand même susciter la réflexion… Mais je ne dirais pas qu’on prêche, on n’est pas donneurs de leçons. Plus on met de blagues moins on prêche, mais on stimule la discussion.
Guillaume, en plus de tes chroniques quotidiennes pour France Inter, depuis 2018, tu as écrit Le roi n’a pas ri, créé un espace game, écrit le spectacle-concert de The Disruptives, réalisé un documentaire sur un café-théâtre… Et toi Charline, tu animes Par Jupiter chaque jour, en plus de tes chroniques dans la matinale et sur France 2… Quel est votre secret pour avoir le temps d’en faire autant ?
Guillaume : Quand on fait quelque chose qu’on adore, on n’a pas de sensation de sacrifice. C’est vrai que je suis un peu hyperactif, gourmand de projets… Alors oui, on est tout le temps en train de bosser, mais ce n’est que de l’amusement.
Charline : Même les aspects sérieux, comme la veille d’information, c’est un plaisir, parce qu’on adore l’actualité et la politique ! On se stimule beaucoup entre nous. Après, il faut dire que Guillaume est véloce. Si tu lances une idée, en deux secondes il va ouvrir son ordinateur, la mécanique de son cerveau se met en route, il trouve une vanne… J’ai été très impressionnée par la rapidité à laquelle il a écrit The Disruptives ou Le roi n’avait pas ri.
Emission Par Jupiter sur France Inter
Livre “Le Roi n’avait pas ri” de Guillaume Meurice aux éditions Lattès
Livre “Debout, les damnés de l’Uber” de Charline aux éditions Denoël
Site de Guillaume Meurice
Twitter de Charline Vanhoenacker
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