Conversation(s)

« Un certain regard » sur le Limoumou #6 : Martha

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Nouvelle halte pour l’Homme en Bleu, qui entre une balade à vélo et une autre, est toujours en quête de nouveaux visages et de nouvelles histoires. Cette fois, ce fut le tour de Martha, originaire de Colombie, danseuse et art thérapeute, qui lui a raconté comment elle est venue vivre dans notre #villederêve.


LHEB : Salut Martha, ça fait combien de temps que tu vis à Limoges ?

MARTHA : Je suis à Limoges depuis 2011, mais je suis arrivée en France en 2004. Ça va faire vingt ans, l’année prochaine !

LHEB : Est-ce que tu pourrais me parler de tes origines et de ton parcours ?

MARTHA : Je suis née à Bogotá, la capitale de la Colombie. J’ai grandi dans une banlieue populaire, assez excentrée du centre ville. C’était un quartier chaud, disons, dans une époque où le pays était en guerre. Il faut dire aussi que c’était beaucoup moins romantique que dans les séries télé sur les narcotraficants (rires). Malgré cela, j’ai pu terminer mes études universitaires, d’abord dans les Sciences Sociales, puis j’ai été marquée par la danse contemporaine, qui a été pour moi un véritable coup de foudre ! Je suis devenue une danseuse « tardive », comme on dit, j’ai commencé tard, mais je n’ai jamais arrêté.

ça grimpe, à Bogota

LHEB : As-tu poursuivi tes études en France ?

MARTHA : Oui. Je suis arrivée à Paris en tant que fille au pair, en suivant les pas de ma meilleure amie d’enfance. Rester en France n’était pas très simple, à l’époque, à cause des conditions très strictes. Pourtant j’ai eu mon master de danse à Paris VIII en 2009. Ces années là, j’ai travaillé comme enseignante de danse, j’animais des ateliers dans des centres et j’étais également assistante d’éducation scolaire pour les enfants en situation de handicap ; je faisais aussi de la recherche universitaire. Ensuite, mon compagnon étant limougeaud, nous sommes venus vivre ici. J’ai suivi une formation à Poitiers pour être art thérapeute et j’ai continué à travailler avec la danse, mais dans des situations particulières : il s’agissait de la réinsertion dans des centres d’éducation pour jeunes délinquants. J’ai toujours adoré travailler avec les enfants ou les adolescents et même avec les femmes victimes de violences graves. À Limoges, j’ai donné des cours de danse à la fac et il m’arrive de travailler un peu partout dans la région, par exemple auprès de l’Association Merveilleux Prétexte.

LHEB : Un parcours fascinant ! Y a-t-il des choses qui t’ont particulièrement marquée, quand tu es arrivée en France – et à Limoges ?

MARTHA : Bien sûr. Paris était tellement différent par rapport à ce que je connaissais. L’architecture monumentale, une rythme de vie qui allait hyper vite, le fait qu’il fallait parfois fendre la foule dans la rue, quand on marchait. Limoges était elle aussi différente : il y a ce côté médiéval que j’aime beaucoup, avec cette cathédrale imposante, les maisons à colombages, les petites places comme la Cour du Temple, mais également la campagne à deux pas de la ville. Une chose qui m’a frappée était l’humour local, une sorte d’auto-dérision de la part des habitants, que je trouvais assez sympa. J’ai toujours pensé que Limoges est un peu comme un oignon, pour la découvrir, on a besoin d’y aller petit à petit en partant de l’extérieur vers l’intérieur.

J’ai toujours pensé que Limoges est un peu comme un oignon, pour la découvrir on a besoin d’y aller petit à petit en partant de l’extérieur vers l’intérieur.

LHEB : Quelles ont été tes principales difficultés, au début ?

MARTHA : Mmm, je pourrais dire la langue, mais en fait pas plus que ça, malgré mon niveau initial de français (rires). En réalité, plein de petites choses, des habitudes surtout. Le changement d’alimentation (beaucoup de fromages, des viandes improbables pour une colombienne, comme le lapin par exemple). Le fait de rester longtemps assis à table. Chez nous, au bout d’un moment, on bouge et on danse ! Les premiers temps, je me demandais toujours quand la fête allait commencer (rires). La fête, en Colombie, signifie qu’on met les tables de côté et on danse. Il y a quelque chose de très physique, lié à la proximité, que je ne retrouve pas forcément ici.

LHEB : Elle est intéressante, cette réflexion sur le côté physique, d’autant plus que le corps est au centre de ton travail et de tes recherches

MARTHA : Ben oui. Par exemple, juste pour revenir aux difficultés, j’ai dû apprendre à maîtriser, dans un sens, mon corps : je suis à la base quelqu’un de très tactile, même quand je parle, ce qui n’est pas toujours bien vu en France. Pourtant la bise est quelque chose qui m’avait marquée aussi : cette sorte d’intimité, le fait de toucher les joues d’une autre personne mais en même temps s’assurer de garder une distance physique entre les gens. Ça revient effectivement à un aspect social, la fête, la musique la danse, s’approprier l’espace (en Colombie, c’est souvent la rue) pour partager une expérience. L’importance du corps est primordiale dans tout ça.

Derrière ces longues tresses, c’est Martha.

LHEB : Quelles sont les choses qui te manquent le plus de chez toi ?

MARTHA : À part la famille, tu veux dire ? (rires). Car j’ai un neveu en Suisse, sinon le reste de ma famille est en Colombie. Je dirais les montagnes qu’à Bogotá, on voit de partout. Les changements de température, le fait de pouvoir, en quelques heures, vivre dans un climat différent et devoir s’habiller par rapport à ça. Sinon, recevoir de la visite non annoncée, tout simplement pour un café, par exemple. Ce côté « spontané » me manque, c’est vrai. J’imagine que ça reprend le discours sur la fête de tout à l’heure. Par contre, il y a des choses qui ne me manquent pas du tout, genre devoir toujours faire attention à mes affaires : c’est un réflexe que j’ai perdu, ce que j’apprécie. On apprend à apprécier, aussi. La France est aussi un pays en paix – tout est relatif, mais du moins par rapport à la Colombie – et il y a certainement plus de liberté de parole.

LHEB : Revenons à ta ville actuelle. Si tu avais été élue maire de Limoges, quelle serait ta première décision ?

MARTHA : Mmm, je dirais repenser à certains espaces d’intégration et trouver un moyen pour favoriser les échanges entre les personnes. Il faudrait peut-être faire un effort pour améliorer le centre ville, genre Place de la République. Au niveau purement esthétique, j’aimerais voir plus de verdure, plus de couleurs. Limoges manque terriblement de couleurs, à certains endroits.

Martha toute en couleurs !

LHEB : Aurais-tu un adjectif en espagnol pour définir Limoges ?

MARTHA : Je dirais amable, aimable. Je vois cet adjectif dans les deux sens, c’est-à-dire pas seulement gentille, cordiale : aimable est une ville qu’on peut aimer et qui se laisse aimer. Je parle vraiment de la ville en soi, au-delà des gens. C’est un rapport presque physique, encore, avec la ville (rires). Après tout ce temps, je me sens vraiment attachée à Limoges.

LHEB : Une dernière question : quel est ton endroit favori à Limoges ?

MARTHA : Comme tout le monde, j’ai tout de suite beaucoup aimé les Bords de Vienne et le Jardin de l’Évêché, où j’allais souvent me promener, les premiers temps ici. Mais j’ai envie de dire la Médiathèque, que j’adore et qui est pour moi un vrai repère.

Intérieur_BFM_limoges
Vous la reconnaissez ?

LHEB : Merci beaucoup, Martha.

MARTHA : Merci l’Homme en Bleu.

Fabio
Italien de passeport, Limougeaud de cœur : pas de quoi en faire tout un cinéma. Il aime les jeux de mots pourris, l'IPA et faire semblant de s'intéresser à plein de choses.

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