L’Homme en Bleu a décidé de te parler culture en cette rentrée. Il a rencontré un professeur qui lui a raconté quelques secrets sur les statues de Limoges. Voici son top 3.
Face à la statue du maréchal Jourdan, non loin du monument célébrant dans le bronze l’héroïsme des combattants de 1870, la composition célébrant les morts de 14-18 tranche, et pas seulement en raison de l’emploi du calcaire dans une ville de granit.
#1 “Aux enfants de Limoges morts pour la France et la paix du monde”
Alors que jusque-là, la statuaire commémorative exaltait les vertus militaires, ce monument est centré sur la douleur des hommes et l’espoir d’un monde meilleur. Tout est dit d’une certaine façon avec l’inscription : « aux enfants de Limoges morts pour la France et la paix du monde ».
A l’appui de l’épitaphe, le registre inférieur du monument exprime la mort, la souffrance et le recueillement.
Au centre, un gisant sous les traits d’un soldat mort, avec à ses pieds une femme voilée en pleurs, figure par excellence du deuil.
De part et d’autre, deux personnages masculins symbolisent la communauté limougeaude touchée par la guerre, mais qui y a survécu et grâce à qui la vie et l’activité économique ont repris leurs droits : à gauche un jeune ouvrier en chaussure, à droite un ouvrier en porcelaine plus âgé.
Ils incarnent les deux générations touchées par la guerre, celle des pères et celle des frères, marquées par la souffrance et le deuil, ainsi que l’expriment leurs visages fermés et leur pose hiératique.
Un tableau religieux en guise de monument.
Le sculpteur André Sallé et l’architecte Henri Vergnolle (NDLR : qui ont tous deux faits la guerre, puisque nés en 1891 l’un et l’autre) ont voulu rendre ici hommage au peuple limougeaud, celui qui a permis la victoire grâce à ses sacrifices et qui est aussi le dépositaire du legs sacré de la paix.
Rares sont les hommes à figurer sur les monuments aux morts au titre de civils. En général, ce rôle est dévolu aux femmes et aux enfants qui sont, par excellence, des non-combattants et qui symbolisent donc l’arrière, par opposition au front.
Mais, ici, le monument est éminemment politique et, en ces temps où seuls les hommes votaient, il fallait que le citoyen-électeur soit représenté car le sacrifice des enfants de Limoges ne doit pas rester vain. C’est le message que délivre la partie supérieure du monument.
Une figure allégorique féminine, renvoyant à la fois à la paix et à la république, foule aux pieds un dragon, symbole de la guerre et du militarisme.
Dans sa main gauche, elle tient une corbeille de fruits, allusion à la prospérité que procure la paix.
Ériger un monument à la gloire de la paix.
Tel un tableau religieux, le monument associe donc un registre inférieur centré sur la condition humaine, la souffrance, la mort, et un registre supérieur représentant l’espoir d’un monde meilleur, tourné vers la spiritualité.
Mais ici, dans une ville marquée par la culture socialiste et l’anticléricalisme, ce sont des valeurs humanistes et universelles qui sont célébrées, des valeurs dont l’électorat ouvrier se doit d’être le gardien.
Inauguré en 1931, ce monument aux morts répondait bien aux attentes de la municipalité socialiste dirigée alors par Léon Betoulle qui voulait « ériger un monument qui ne serait non pas une commémoration des souffrances de la guerre, mais un monument à la gloire de la paix ».
Au lieu de t’asseoir sur ce monument, toi le jeune, transmets donc ta connaissance à tes potes. Cela les fera halluciner que tu en saches autant sur un “banc”.
Mais en passant devant ce monument, cher Homme en Bleu, as-tu pris le temps de descendre de ton vélo pour voir l’erreur commise par le sculpteur qui a inversé un élément entre les deux personnages masculins ?
Mélanie