Au détour d’une expo, l’homme en bleu s’est dit que ça pourrait être chouette d’aller à la rencontre d’artistes installés dans la région et d’en savoir un peu plus sur le pourquoi du comment des œuvres que l’on peut découvrir dans les lieux culturels de Limoges et d’ailleurs.
Parce que découvrir des créations et s’ouvrir à de nouvelles expressions artistiques, c’est vraiment génial. Mais avoir une idée de comment on en arrive là, c’est pas mal aussi. Pour commencer son enquête, ton cycliste préféré est parti un peu au nord de Limoges, où est installée Naomi Dewdney.
Naomi se présente elle-même comme peintre. Après son bac, elle s’est inscrite à la Fac de Lettres de Limoges, mais ça n’a pas vraiment été le coup de foudre : « J’allais peu à la fac. Par hasard, j’ai commencé à peindre au cours de cette année-là. Ce n’est pas quelque chose que je faisais avant. Même si j’ai toujours été très créative et que j’aimais réaliser des choses avec mes mains, ça m’est vraiment venu à ce moment-là. Comme une révélation sur moi-même. Je me suis dit ‘’ça m’intéresse, pourquoi pas continuer’’. »
La peinture, ça m’a parlé directement, ça a ouvert une sorte de porte mentale en moi.
Elle fait alors ses bagages et part au Plymouth College of Art and Design, l’école d’art de sa ville natale où elle avait passé les premières années de sa vie avant que sa famille ne s’installe en Corrèze. Là-bas, elle découvre des médiums très variés (photo, céramique, travail du métal…), mais c’est bien dans la peinture qu’elle se spécialise rapidement. « Par exemple j’aime bien le dessin, mais ça ne colle pas. Ce n’est pas mon médium. Alors que la peinture, ça m’a parlé directement, ça a ouvert une sorte de porte mentale en moi. Pourtant il y avait très peu de cours de peinture à l’école, et au final j’ai plutôt appris par moi-même. »
Après son cursus en Angleterre, Naomi est revenue en Limousin et n’en a plus bougé. « Ca me plait beaucoup de vivre à la campagne en étant artiste. En ville je n’y arriverais pas. J’aime beaucoup trop la solitude ! » Cependant, Naomi reconnait que vivre en zone rurale ne facilite pas les occasions de montrer son travail. « Mais je ne sais pas si j’ai envie de plus de visibilité ! Pourtant j’aime pouvoir discuter avec les personnes qui voient mes toiles, ceux qui les ont aimées ou pas. Je n’ai pas de problème avec les critiques, c’est aussi le premier pas vers l’échange. »
Le premier mot qui vient à Naomi pour décrire sa pratique, c’est « expérimental » : « Dans le sens où j’aime tenter des trucs, voir où sont mes limites et apprendre en expérimentant. Quand tu exécutes ta toile, ça ne se passe plus dans ton esprit ; tu arrives techniquement à traduire ce que tu as en tête avec ton pinceau. Et le fait d’expérimenter permet de relever le défi de réussir à exprimer ce qu’on a besoin et envie de dire. »
D’ailleurs, le deuxième mot de Naomi à propos de sa peinture, c’est « introspectif ». « Il y a tellement de moi-même qui passe dedans, de sentiments, d’émotions, de réflexions personnelles et intimes. C’est un exutoire incroyable, pour les belles émotions mais aussi les plus sombres. Je suis très pudique, et c’est mon moyen d’expression sans avoir à ouvrir la bouche. Ce n’est pas que je ne sais pas dire ce que je ressens, mais je trouve la peinture plus précise que les mots. Je le dis mieux en peinture. »
Ces émotions contrastées, on les retrouve dans ses toiles. En 2016, Naomi a travaillé pendant presque un an sur un triptyque [œuvre composée de trois toiles] intitulé Carnage qui explore la carcasse et l’extinction. Elle l’a réalisée en collaboration avec son frère, Patrick Dewdney, qui est écrivain. « Patrick a écrit un texte pour chaque toile, et j’ai réalisé trois peintures leur répondant. C’est venu hyper naturellement mais il y a eu un vrai défi technique. Après Carnage, j’ai eu besoin de légèreté, et j’ai réalisé la série Nuage. » Elle continue actuellement à travailler sur cette série, dans de plus petits formats, pour un projet d’exposition à Bellac. « Mais je commence à avoir envie de revenir à des choses un peu plus brutales. J’ai déjà en tête un ensemble de 6 ou 7 toiles, qui pourrait s’appeler Noyade. »
Avant de quitter Naomi, l’homme en bleu a une dernière question, et pas des moindres : pour toi, c’est quoi l’art ? « Ouch, pas facile ! Je dirais que c’est une appréciation de l’autre. C’est ce qui parle à chacun, en tant qu’individu : chacun définit ce qu’il considère comme étant de l’art en fonction de ce qui lui parle. Pour moi, c’est un besoin presque viscéral d’exprimer quelque chose d’une façon qui n’est pas orale. »
Naomi n’est pas très fan des réseaux sociaux, mais tu peux retrouver son travail sur son site web (actuellement en chantier).
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