Les Limougeauds d’origine étrangère sont nombreux et L’Homme en Bleu a continué de les croiser. Nouvelle halte, nouvelle rencontre. Cette fois le voyage fut assez court, mais pas pour des raisons géographiques ! Son interlocutrice, Cristina, vient de Moldavie, un pays qui effectivement ne se trouve pas à côté du Limoumou. Mais Cristina s’occupe de communication (d’abord en free-lance, même si elle va bientôt mettre à profit toute son expérience auprès d’une structure d’intérêt général) et – tiens ! – elle est créatrice de contenu à L’Homme en Bleu.
Banco ! La distance étant minime, l’occasion de mieux connaître son histoire était trop belle.
LHEB : Bonjour Cristina, ça va ? Bien qu’on se connaisse déjà, je ne sais pas depuis quand exactement tu vis en France.
CRISTINA : Ça va, merci. Et bien, je suis arrivée en France avec ma maman en 2001, donc ça fait déjà un moment (rires). Par contre, je n’ai obtenu la nationalité française que depuis quelques années. Au début j’ai eu une carte de séjour et, à cause de mon choix de poursuivre les études, j’ai dû attendre assez longtemps.
LHEB : Tu étais petite, donc. Tu pourrais m’en dire un peu plus à propos de tes origines et de ton parcours jusqu’ici ?
CRISTINA : Je suis née à Orhei, en Moldavie, qui était tout juste devenu un pays indépendant suite à la chute de l’Union Soviétique. D’ailleurs ma langue maternelle est le russe. Je parle aussi le moldave et le roumain, qui sont en gros la même chose. Avant d’arriver à Limoges ma mère et moi avons aussi habité en Grèce (mais j’ai oublié la langue grecque !), ce qui fait qu’à l’école j’ai été trois fois en CP : une fois en Moldavie, une fois en Grèce et ensuite à Limoges.
Ce fut un sacré périple, ce qui ne m’a pas empêché de m’installer ici et de continuer mes études supérieures : j’en suis assez fière ! Ce qui est sûr, c’est que tout ça a pu se produire grâce à ma maman, qui a tout fait pour moi. Elle est et restera toujours mon héroïne. Elle était enseignante en Moldavie, elle a tout quitté, y compris son pays, et en France elle a dû se débrouiller en travaillant partout (femme de ménage, serveuse, par exemple), mais maintenant elle est assistante dentaire et je suis vraiment fière d’elle.
LHEB : J’imagine qu’elle aussi doit être fière de toi. Quelles ont été tes (ou vos) plus grandes difficultés, les premiers temps en France ?
CRISTINA : Les difficultés principales étaient forcément liée à notre situation économique – le logement, notamment. On a eu notre premier appartement en 2003, après presque deux ans de vie entre abris et hôtels. Ce n’était pas simple, j’avoue. En plus ni moi ni ma mère ne parlions le français : je l’ai appris à l’école, et finalement elle l’a appris avec moi.
LHEB : Quelles sont les choses qui t’ont le plus marqué, quand tu es arrivée à Limoges ?
CRISTINA : Vu qu’on parlait de langue, le fait d’utiliser souvent « quoi » à la fin des phrases (rires). Plus sérieusement, se faire fréquemment la bise, même à l’école (en Moldavie une telle proximité aurait été impensable : tout était beaucoup plus sévère). Peut-être aussi une certaine formalité typiquement française à laquelle je n’étais pas habituée, concernant par exemple les horaires pour manger ou pour aller au lit. Et la météo ! Au début j’avais l’impression qu’il pleuvait tout le temps.
Par contre j’avais été marquée par l’organisation et par l’ouverture d’esprit dont font preuve les gens. Il faut dire que nous avions été très bien accueilles. Pourtant je n’aurais jamais imaginé qu’un jour Limoges serait devenu « chez moi » , ce qui est le cas : je suis très attachée à la ville. C’est mon centre, mon repère. Ça fait maintenant partie de mon identité.
LHEB : Je trouve intéressant cet aspect de l’identité, par rapport à la fois à ton histoire personnelle et à celle d’un pays centralisé comme la France, où l’éternelle opposition entre la capitale et la province risque de faire presque douter de sa propre identité en tant que français. Tu te définirais comment aujourd’hui, moldave ou française ?
CRISTINA : Ni l’une ni l’autre, je pense. Je me vois comme citoyenne du monde, j’aime toutes les cultures et toutes les origines. Bien évidemment, je sens beaucoup d’affinité avec les gens provenant des pays de l’ex-URSS, car on partage la même culture. On a grandi avec les mêmes films, la même musique. Mais il y a eu l’influence de la culture française, envers laquelle je serai toujours reconnaissante.
La liberté de pensée, la solidarité, la réflexion et l’attention sur certains sujets qui me sont chers, notamment à propos des droits des femmes : tout ça, c’est mon côté français ! Je suis donc le résultat d’un mélange de différentes cultures, et de ça aussi je suis fière. Ma mère est née en Moldavie comme moi, ma première langue a été le russe, mon père est ukrainien (à vrai dire, avant ma naissance, mes deux parents étaient de nationalité soviétique !), j’ai vécu en Grèce, mes amis viennent de partout : forcément j’adore toutes les cultures et pas seulement la mienne.
En même temps Limoges est ma ville, c’est pourquoi j’ai envie de m’investir, en la faisant découvrir aux autres, par exemple. C’est ici, en France, que j’ai ressenti la liberté de choix, j’ai aperçu la possibilité d’un épanouissement de soi. J’ai également gardé certaines valeurs de l’Est comme la loyauté, le sens de l’honneur, l’importance des liens entre proches : du coup c’est normal de voir Limoges comme une sorte de famille. C’est un endroit sécurisant.
je suis très attachée à la ville. C’est mon centre, mon repère. Ça fait maintenant partie de mon identité.
LHEB : Malgré ton départ à un jeune âge, qu’est-ce qui te manque le plus de chez toi ?
CRISTINA : Mmm, je crois les fruits de notre jardin. En Moldavie on avait des pêches, des abricots, des framboises, du raisin ! La neige, aussi : de la vraie neige, pour jouer ou pour faire de la luge. Mais ce qui me manque le plus sont les maisons de mon enfance, où j’ai passé tellement de moments que je n’oublierai jamais. J’aimerais tellement y retourner, un jour.
LHEB : Tu disais que tu aimes t’investir pour ta ville. Si tu avais été élue maire de Limoges, par exemple, quelle serait ta première décision ?
CRISTINA : J’essaierais d’aider les étrangers dans leur insertion dans le monde du travail – les jeunes surtout. En respectant leurs identités, sans les faire se sentir rejetés. Je trouve ça primordial. J’aimerais également faire quelque chose pour les femmes, mais pour cela il faudrait sans doute que je sois élue présidente ! (rires) Sinon, j’ajouterais plus de couleurs dans les façades de la ville, en la rendant moins grise et plus gaie.
LHEB : Est-ce que tu aurais un adjectif pour définir Limoges ? Encore mieux si c’est en russe.
CRISTINA : Ok, prépare-toi, alors. Je dirais « Ocharovatel’nyy », que je pourrais plus ou moins traduire avec charmant. Charmant dans le sens que Limoges est une ville d’où, une fois qu’on y vit, on n’a pas envie de partir.
Limoges est une ville d’où, une fois qu’on y vit, on n’a pas envie de partir.
LHEB : Allez, encore un dernier effort. Tu n’aurais pas un endroit favori à Limoges ou dans le Limoumou ?
CRISTINA : Si, j’en ai plein. Un endroit que j’adore ne se trouve pas vraiment à Limoges et c’est le château de Chalucet : j’y vais dès que je peux. En ville j’aime bien me balader dans les quartiers de la Cathédrale et de la Boucherie. Ah, j’ai aussi une vraie passion pour les vide-grenier, donc je fais en sorte d’y aller. C’est une des plus belles découvertes que j’aie jamais faites depuis que je suis en France. Encore mon côté français !
LHEB : Merci beaucoup, Cristina. À bientôt !
CRISTINA : Merci, l’Homme en Bleu. Oui, à très bientôt !
Cristina est sur Instagram, notamment son compte photo qui est plutôt canon (puis on s’est dit aussi que ce serait cool de lui faire de la promo)
Une magnifique femme ❤️